I. Le métier
Le métier de doreur à la feuille ornemaniste est un métier très varié, demandant une certaine abilité technique et gestuelle.
En effet, la dorure à la feuille ornemaniste ne consiste pas en la seule application d’une fine feuille de métal sur une surface. Bien au contraire, elle consiste en une multitude de savoirs-faire très différents les uns des autres. Nous vous les présenterons de façon sommaire afin de vous familiariser davantage avec ce métier encore peu connu.
Autrefois, ceux-ci étaient distingués en corps de métier à part entière dont notamment :
- les apprêteurs : chargés de réaliser les différentes couches d’apprêts, couches dites tampons entre la surface de l’objet à dorer et la feuille de métal
- les personnes chargées de réaliser des moulages, afin de créer les ornements
- les repareurs : chargés de la reparure , c’est à dire redonner de la parure à l’objet en gravant le relief à l’aide de fers dits à reparer, comme les détails des pétales d’une fleur, les courbes et contrecourbes qui viennent mettre en valeur les acanthes, rinceaux, …
- les doreurs: soit ceux qui posent la feuille d’or, d’argent, de cuivre, … sur la surface à dorer
Aujourd’hui, le doreur à la feuille ornemaniste, tel que son nom l’indique, est donc capable de réaliser chacun de ces savoirs-faire, en accordant un soin tout particulier à la préparation du support avant dorure afin de garantir beauté et perennité à l’oeuvre dorée.
En effet, la dorure elle-même, ne représente qu’une toute petite partie du métier; elle est la “cerise sur le gâteau”.
II. Techniques
Il existe différentes techniques de dorure comme la dorure à l’oeuf, … mais les deux techniques principalement utilisées en dorure sont les suivantes:
- La détrempe
La technique de la détrempe est celle qui donne le résultat le plus exceptionnel car elle permet de réaliser de très jolis contrastes de reflets de lumière en réalisant des zones dites “brunies” et des zones “mates”. Ce sont ces jeux de reflets qui mettent en valeur les moulures et ornements du mobilier (consoles, fauteuils, miroirs, porte-torchères, …), des cadres et baromètres anciens, des lambris en bois doré, … et qui permettent la lecture des détails qui font le charme des bois dorés anciens notamment. En l’absence de ce jeu de contraste, la dorure serait de couleur uniforme, ce qui aplatirait les reliefs des ornements.
Détail d’une guirlande florale brunie sur fond mat
Elle est aussi :
- la plus complexe
- la plus longue à réaliser.
Cette technique s’effectue à l’eau et nécessite un grand nombre d’étapes avant la pose de la feuille métallique.
En voici un aperçu:
- 1. Dégraissage des surfaces
- 2. Encollage
- 3. Surmoulage et moulage
- 4. Apprêtage : X couches d’apprêts minimum
Réalisation de nouveaux apprêts sur la zone à redorer d’un cadre en bois doré ancien
- 5. Lissage
- 6. Adoucissage
- 7. Reparure
- 8. Jaunissage
- 9. Assiettage
- 10. Chiennage
- 11. Pose de la feuille d’or, d’argent, … à l’eau
- 12. Brunissage
- 13. Matage
- 14. Harmonisation et/ou protection: patine appliquée sur la dorure nouvelle afin de l’harmoniser avec la couleur de la dorure d’origine et/ou vernis ou cire protectrice
2. La mixtion
Il existe également différents types de mixtion (eau, huile) avec des temps de séchage différents.
A la différence de la détrempe, cette technique s’emploie avec un produit collant que l’on appelle mixtion. C’est elle qui va faire adhérer la feuille métallique à son support.
Cette technique semble plus rapide et plus simple à réaliser, et pourrait séduire de nombreux amateurs de dorure mais la difficulté principale de cette technique est de savoir exactement à quel moment la mixtion est prête à recevoir la feuille d’or, de la quantifier et de l’étaler correctement. En cas de surdosage, la mixtion viendra tacher la feuille d’or ou l’empêcher de se tendre correctement. A l’inverse, en quantité insuffisante, la feuille d’or n’adhèrera pas correctement au support. Un temps de séchage non respecté fera également défaut à la dorure.
Le choix de la mixtion (nature et temps de séchage) s’effectue au regard de la nature, de la fragilité des oeuvres à dorer.
Cette technique donne également de très beaux résultats, lorsqu’elle est appliquée dans les règles de l’art mais elle ne pourra jamais égaler l’éclat d’un “bruni” réalisé à la détrempe. Les doreurs connaissent des techniques complémentaires pour obtenir des variations d’éclat dans la dorure à la mixtion mais elles reflèteront quand même moins la lumière que les brunis obtenus grâce à la technique de la détrempe (cfr photo ci-dessous).
Cadre Art Déco doré à la feuille d’or blanc
Les deux techniques de dorure à la détrempe et de dorure à la mixtion ont été employées lors de la restauration de ce cadre, ce qui permet de mettre en valeur les reliefs par un joli contraste d’éclat entre les brunis des zones lisses, obtenus grâce à la détrempe, et les moulures florales dorées à la mixtion.