Le métier
Le métier de doreur à la feuille ornemaniste est un métier très varié, demandant une certaine habilité technique et gestuelle.
En effet, la dorure à la feuille ornemaniste ne consiste pas en la seule application d’une fine feuille de métal sur une surface. Bien au contraire, elle consiste en une multitude de savoir-faire très différents les uns des autres. Nous vous les présenterons de façon sommaire afin de vous familiariser davantage avec ce métier encore peu connu.
Autrefois, des corporations oeuvrant pour le même métier…
Autrefois, ceux-ci étaient distingués en corps de métier à part entière dont notamment :
- les apprêteurs : chargés de réaliser les différentes couches d’apprêts, couches dites tampons entre la surface de l’objet à dorer et la feuille de métal
- les ornemanistes : chargés de réaliser des moulages, afin de créer les ornements
- les repareurs : chargés de la reparure , c’est à dire redonner de la parure à l’objet en gravant le relief à l’aide de fers dits à reparer, comme les détails des pétales d’une fleur, les courbes et contrecourbes qui viennent mettre en valeur les acanthes, rinceaux, …
- les doreurs : soit ceux qui posent la feuille d’or, d’argent, de cuivre, … sur la surface à dorer
Aujourd’hui, le doreur à la feuille ornemaniste, tel que son nom l’indique, est donc capable de réaliser chacun de ces savoirs-faire, en accordant un soin tout particulier à la préparation du support avant dorure afin de garantir beauté et pérennité à l’oeuvre dorée.
En effet, la dorure elle-même ne représente qu’une toute petite partie du métier; elle est la « cerise sur le gâteau ».
Aujourd’hui, un seul et même métier…
Aujourd’hui, le doreur à la feuille ornemaniste est capable de poser des feuilles métalliques, qu’elles soient en or, argent, cuivre, palladium, ou platine, de toutes sortes de couleurs (or jaune, or blanc, or vert, or rose, cuivre jaune, cuivre rouge, …) sur un grand nombre de matériaux divers.
Autrefois, le doreur avait pour habitude de poser principalement de l’or, de l’argent ou du cuivre sur du mobilier, des objets d’art, des moulures dont l’âme était la plupart du temps en bois. Ainsi, la formation première au métier de doreur à la feuille ornemaniste relève de la dorure sur bois.
Néanmoins, la feuille d’or n’est pas appliquée directement sur le bois lui-même; c’est ce que nous allons voir ci-dessous. Et c’est d’ailleurs une des raisons pour laquelle le doreur d’aujourd’hui adopte désormais les gestes et savoirs-faire des apprêteurs, ornemanistes, repareurs d’autrefois, en plus de venir dorer, c’est à dire poser les feuilles métalliques sur le support enfin préparé.
Lorsque le doreur se fait apprêteur
L’or est battu en feuilles si fines, épaisses de quelques dixièmes de millimètre seulement, qu’elles épousent les moindres aspérités de la surface sur laquelle elles reposent. Dès lors, si la feuille d’or était posée sur le bois, elle soulignerait les pores et les fissures de celui-ci.
De plus, le bois étant un matériau vivant, sa surface bouge en réaction aux variations thermiques et hygrothermiques. Les apprêts ont été inventés pour éviter cela et pour permettre à la feuille d’or d’épouser une surface lisse par endroits ou au contraire presque “ciselée” à d’autres. C’est le cas lorsque la pièce à dorer est ornée de moulures qui ont été reparées avant dorure. Nous vous détaillerons cette étape un peu plus bas.
Les apprêts sont donc des couches dites “tampons” entre le bois et la feuille métallique qui permettent de stabiliser les variations dimensionnelles du support et qui modifient la surface poreuse et/ou fissurée du bois en une surface lisse, gravée de manière plus raffinée….
Les apprêts sont constitués d’un solvant, d’un liant et d’une charge dont les quantités évolueront de façon harmonieuse selon les couches passées sur le support, sachant qu’une dizaine de couches d’apprêts sont nécessaires pour offrir un support de qualité à la feuille d’or.
La qualité du mélange des apprêts, sa température, le nombre de couches et la façon de passer ces différentes couches successives ainsi que le respect du temps de séchage entre chacune des couches jouent un rôle majeur dans la conservation de la dorure sur bois. Cette étape est particulièrement importante dans le cadre d’une dorure à la détrempe, technique de dorure par excellence. Elle est en effet la plus ancienne, remontant à l’Antiquité, et celle qui confère l’éclat le plus brillant à la feuille d’or.
Lorsque le doreur devient ornemaniste
Quant aux moulures, elles étaient originellement sculptées par l’ébéniste, ensuite recouvertes d’apprêts par les apprêteurs, en vue d’être dorées ultérieurement. Mais lorsque celles-ci viennent à manquer suite à un accident, une usure, …, le doreur à la feuille ornemaniste doit être en mesure de pouvoir recréer à l’identique la moulure d’origine.
Le doreur devient ornemaniste car il est un véritable artiste qui reproduit ou recrée à l’identique les ornements d’origine qui embellissent les oeuvres dorées.
Lorsque le doreur devient repareur
Ces moulures une fois recréées sont à leur tour recouvertes d’apprêts.
A mesure que l’on monte en couches d’apprêts, les moulures perdent leurs détails. Le doreur à la feuille ornemaniste va alors sculpter la matière des apprêts afin de redonner de la “parure” à l’oeuvre réalisée par l’ébéniste. Le doreur exécute ce qu’on appelle le travail de “reparure“, à l’aide de fers dits “à reparer”.
Ces fers sont de formes et de tailles différentes selon l’effet recherché et vont permettre au doreur de retrouver les détails des ornements tout en leur conférant davantage de finesse que n’avait pu leur en donner le sculpteur.
La reparure est un savoir-faire important dans le métier de doreur à la feuille ornemaniste conférant ainsi un véritable raffinement aux oeuvres dorées.